L’entrée esthétique en catéchèse des adultes : l’exemple de Mess’AJE

Slides-04

L’entrée esthétique en catéchèse des adultes : 
l’exemple de Mess’AJE
Paul-André Giguère, (ancien professeur à l’IP) 
Présentation faite au Congrès de la Société internationale de théologie pratique
à Rome, mai 2001
Plus de mots que d’images
Dans cette contribution, nous entendons le terme « esthétique » en nous rapprochant le plus possible de son étymologie première. Sans l’exclure, nous nous référons donc moins au concept de « beauté », qui a fini par prédominer dans notre culture, qu’à celui, premier, de « sensible ». Et nous poserons la question : le sensible peut-il aider des adultes à entrer dans l’expérience de la foi ? Peut-il être un lieu éducatif pour les adultes ?
Un bref passage par l’étymologie nous plongera au cœur de notre propos. En effet, selon Delling (1964, cf. bibliographie) présentant le verbe aisthanomai, « il existe à l’origine une distinction marquée avec sunièmi.  Seul l’être humain comprend (sunièmi), alors que d’autres créatures perçoivent par les sens (aisthanetai) mais ne comprennent pas ». Plus loin, il signale que « dans la littérature hermétique, aisthèsis est un organe du soma (corps) alors que la gnosis est un organe du nous (intelligence, pensée) » (traduction libre).
On est justifié de penser que le travail éducatif auprès des adultes croyants se ressent de cette très ancienne distinction. Pour plusieurs pasteurs et plusieurs croyants la véritable connaissance, surtout dans le domaine spirituel et religieux, ne s’acquiert pas par l’expérience sensible. Le spirituel et le religieux n’ont-ils pas fondamentalement à voir (si l’on peut dire) avec l’invisible ? Sur cet arrière-plan se dresse, comme une donnée supplémentaire, le fait qu’à propos de la foi, l’Église catholique latine ait mis l’accent d’une manière presque exclusive sur sa dimension cognitive et dogmatique, surtout depuis le Concile de Trente.  Nombre d’études récentes dont celle, lumineuse, de Gilbert Adler (1997) ont mis en lumière cette « réduction doctrinale de la proposition évangélique » (p.18).
On comprend alors que subsistent jusque dans le Directoire général pour la catéchèse (1997 ; par ex. no 112) la consigne de transmettre le message évangélique d’une manière intégrale, en ne passant sous silence aucun aspect fondamental, et celle de présenter le message évangélique authentique (ce qui implicitement veut dire selon l’interprétation du magistère romain).  Il s’agit bien d’un message, d’un contenu de la foi, d’un « ce que l’on croit et ce que l’on vit quand on est chrétien ».
Par une sorte d’accord tacite dans les milieux de catéchèse et d’éducation de la foi, le recours à une dimension esthétique semble réservé aux enfants et aux jeunes. On soupçonne, ou l’on craint, qu’il y aura de la résistance chez les adultes si on utilise des images, si par exemple on les invite à chanter ou à danser ou si on leur propose de dessiner. Ne se sentiront-ils pas traités en enfants ? Au fond, est-ce qu’une conviction implicite n’est pas fortement ancrée dans l’imaginaire des intervenants pastoraux comme chez les adultes en général : l’adulte a la capacité supérieure de se contenter des idées et des concepts. Comme l’écrit Paul, il a « laissé derrière lui ce qui était de l’enfant » (1 Cor 13,11).
Le recours au sensible en éducation de la foi apparaît alors comme une concession faite à l’incapacité des enfants de s’en tenir longtemps au simple discours et de soutenir un développement argumentatif. Avec les enfants et les jeunes, il faut accepter de varier les supports pédagogiques, consentir à offrir des éléments visuels susceptibles d’attirer ou de soutenir l’attention, se résoudre à exposer à des chants ou des rythmes destinés à favoriser l’intégration du contenu. Mais comme l’a découvert le Petit Prince, les adultes, eux, s’occupent de choses sérieuses. On pourra certes faite preuve « d’andragogie », les faire s’exprimer sur ou à partir de leur expérience, les inviter à entrer en discussion à propos d’un enseignement, en un mot recourir à des méthodes actives. Mais le mode privilégié sera toujours le mode verbal, conceptuel et notionnel.