Les jeunes Brésiliens interpellent le pape (Courrier International – 22 juillet 2013)

BRESIL – Les jeunes Brésiliens interpellent le pape

Le pape François a adopté un positionnement à gauche sur les questions sociales - AFP

  • Le pape François arrive au Brésil [pour les Journées mondiales de la jeunesse catholique (JMJ), qui se tiennent du 23 au 28 juillet à Rio de Janeiro] pour dire aux jeunes ce que le catholicisme attend d’eux. Il y trouvera des fidèles différents de ceux qu’avaient rencontrés ses deux prédécesseurs : après une longue période de prédominance de l’expérience religieuse individuelle, désormais l’engagement social gagne du terrain. Avec pour étendards l’amélioration de l’accès à la santé et à l’éducation, le respect des différences, la diminution de la violence et le renforcement d’une économie plus solidaire, la nouvelle jeunesse catholique brésilienne cherche à trouver un écho dans les mots de ce pape qui prêche l’humilité et l’amour du prochain.
  • “Aujourd’hui, le jeune veut mieux connaître l’Eglise : il veut qu’elle l’écoute et l’aide dans sa formation religieuse et humaine”, affirme Leonardo Cavalcante, âgé de 23 ans. Le pape est informé des attentes de la jeunesse brésilienne. A Pâques, des autorités religieuses brésiliennes étaient à Rome et ont évoqué le fonctionnement des quelque soixante communautés d’évangélisation de la jeunesse significatives sur le plan national. Les manifestations de juin ont également résonné au Vatican. Le sommet de l’Eglise a modifié en conséquence les discours du pape pour les JMJ. A Rio, le pape devra dialoguer et indiquer des chemins pour la jeunesse, qui veut se nourrir de la parole de Dieu non seulement pour prendre soin de sa spiritualité, mais pour aider à changer le monde, à l’instar de Leonardo Cavalcante. Membre de la pastorale universitaire, il a voyagé en Argentine et au Chili pour promouvoir le bien et l’égalité dans des communautés pauvres, et il fait de même au Brésil. Ce programme de la pastorale envoie des étudiants dans un lieu où règne la pauvreté afin qu’ils mettent en pratique leurs aptitudes professionnelles en construisant et en rénovant des bibliothèques, en réalisant des conférences sur la santé et les droits de l’homme ou en offrant des consultations dentaires. “La jeunesse veut mettre davantage les mains dans le cambouis, montrer qu’elle peut changer le monde”, dit-il, lui qui est également volontaire de la section universités de la Conférence nationale des évêques du Brésil (CNBB).
  • Aujourd’hui, le jeune catholique qui veut transformer la société est soit lié à la Pastorale de la jeunesse (PJ), soit aux Communautés ecclésiales de base (CEB). Entre les années 1960 et 1980 [pendant la dictature], les CEB constituaient le seul espace viable pour qui voulait agir politiquement et socialement. Avant de perdre de l’importance du fait de la politique en vigueur au Vatican lors deux derniers pontificats et de la démocratisation du pays. Désormais, ils retrouvent de la couleur grâce aux nouvelles attentes des fidèles. Selon la CNBB, il y avait 70 500 CEB dans le pays en 1995. Avec l’augmentation du nombre de paroisses, on est passé aujourd’hui à 107 000. Pedro Romero, 16 ans, et Taynah, sa sœur âgée de 20 ans, en sont un exemple. Leur mère a été formée religieusement dans une CEB du quartier de Belém, à l’est de São Paulo, où existait un fort engagement des laïcs avec une action sociale de grande ampleur. Aujourd’hui, Pedro et Taynah y participent à leur tour. Dans les rencontres auxquelles ils assistent, ils discutent de sujets comme la famille, l’éducation ou la sécurité et définissent des stratégies pour que leurs demandes soient entendues et mises en pratique. “Nous étions aux manifestations du Movimento Passe Livre [mouvement défendant la gratuité des transports, à l’origine des plus grandes manifestations au Brésil depuis vingt ans] et nous avons défendu nos idées, notamment notre opposition aux projets de réduction de la majorité pénale,explique Taynah. On ne s’arrête pas à la spiritualité.”
  • Priscila Naves, 21 ans, coordinatrice nationale de la PJ étudiante, souligne que cette volonté d’agir dans le champ social est un souhait de la Pastorale. “C’est le résultat de ce que nous appelons l’éducation émancipatrice.” Cette formation commence à l’âge de 10 ans, avec des discussions qui concourent à la construction du caractère et de l’identité de l’enfant. “Nous œuvrons pour que le jeune en question ait une vision critique du monde et qu’à partir de là il propose des changements”,précise-t-elle.